MANAGER DE TRANSITION: UN MÉTIER DANS «L’ÈRE DU TEMPS »
Qui sont les managers de transition? Quelles missions leur sont confiées? Comment les mènent-ils à bien? Quelle place tiendront-ils à l’avenir dans le monde de l’entreprise? Découvrez les arcanes d’une profession en phase avec son époque, guidée par le souci de la performance à atteindre dans des délais toujours plus courts!
France Transition1 vient de publier son baromètre annuel. Le chiffre d’affaires cumulé de ses membres en 2021 – significatif, puisqu’il représente 30% environ du marché global – se monte à près de 130 millions d’euros, en hausse de près de 8% par rapport à 2020. Une tendance qui semble se confirmer sur le début 2022. « Cela fait quelques années que la profession a le vent en poupe », analyse Gilles Marque (MBA FT 87), associé chez Actiss France et Afrique, « un pure player du management de transition », qu’il cofonde en 2004 avec Jean-Louis Fidric (MHRM 01). «De nombreuses entreprises, privées comme publiques, toutes tailles et secteurs d’activité confondus, ont désormais recours aux services de managers de transition.»
Un mode de gestion des transformations de l’entreprise
L’industrie reste le premier client du secteur, avec 44% des missions, devant les services, à 28%. La part du management relais est en forte progression l’année dernière, suivi de la gestion de projet. En période de crise sanitaire, les missions de retournement ou de gestion de crise ont augmenté également, mais dans une moindre mesure. « Les entreprises qui nous sollicitent sont encore souvent en situation d’urgence », rappelle Gilles Marque. « En tout début d’année, le DAF d’une filiale de LVMH est tombé malade. Nous avons dû lui trouver très rapidement un remplaçant, afin que le «reporting » annuel 2021 puisse être transmis dans les temps à la holding. Mais de plus en plus, le management de transition devient un mode de gestion des transformations de l’entreprise : digitalisation, implantation sur un nouveau marché, passage d’un fonctionnement en silos à une organisation matricielle… ou l’inverse. »
Éric Lecoquierre (PGE 81) illustre cette inflexion. «Après une carrière de directeur commercial dans le secteur des nouvelles technologies, exercée dans de grands groupes comme Thalès, mais aussi au sein de PME puis d’un cabinet conseil, j’ai souhaité voler de mes propres ailes. » Depuis 2010, il enchaîne les missions de manager de transition en « business development» s’appuyant sur les technologies en question. Pierre Crochet (MBA FT 86), également ingénieur des Arts et Métiers, occupe successivement divers postes fixes de «directeur des opérations/directeur industriel dans de grands groupes, notamment chez Arcelor Mit tal, mais toujours en mode projet.» Il n’a eu aucun mal ensuite à s’adapter aux missions de manager de transition, une voie qu’il a choisie en 2017.
Cabinet spécialisé ou réseau?
Mais comment trouver ces missions ? Au départ, Pierre Crochet a mis simultanément deux fers au feu. «J’ai actionné mon réseau mais aussi contacté tous les cabinets spécialisés dans le management de transition pour proposer mes services, claire ment ciblés et circonscrits, et me faire connaître, référencer.» Bien lui en a pris. «Aujourd’hui mon activité se répartit à 50/50 entre ces deux sources de missions.» Analyste sur les marchés financiers, puis « chasseuse de têtes» dans le domaine des sciences de la vie, Valérie Augustin (PGE 87) intègre en 2015 le cabinet Valtus, un acteur majeur du management de transition. «Qu’il s’agisse d’un poste fixe ou d’une mission de transition, le cœur de mon métier consiste à sélectionner les bons profils, souligne-t-elle, aujourd’hui directrice rela tions managers chez Procadres International. Mais dans le management de transition, nous disposons de beaucoup moins de temps pour proposer au donneur d’ordre le candidat idéal.»
L’action du cabinet ne se limite pas à la recherche de la juste adéquation de l’offre à la demande. «Nous établis sons avec nos clients un cahier des charges très précis et complet de ce qu’ils souhaitent et accompagnons le manager de transition tout au long de sa mission.» Quid de la rémunération de ce manager ? «Le tarif journalier que vous communiquerez au cabinet constituera votre base de négociation, indique Pierre Crochet. Ensuite, en fonction de votre situation du moment, de la complexité et de l’intérêt de la mission, de ses modalités d’exécution, vous pourrez ajuster votre proposition financière. Mais ne vous dépréciez pas! Vous serez la plupart du temps surdimensionné pour le poste à occuper! C’est la garantie pour le donneur d’ordre d’une mise en action opérationnelle rapide. Et cette garantie a un prix.» Surdimensionné. Le mot-clé du management de transition vient d’être prononcé.
Des seniors aguerris, dotés d’une forte personnalité
« Nous proposons à nos clients des managers aguerris, expérimentés et de haut niveau, confirme Valérie Augustin. Il est impératif qu’ils évoluent dans leur « zone de confort» en matière de compé[1]tences métier. Ainsi ils pourront se focaliser sur la nécessaire découverte de l’entreprise où ils vont travailler, l’acculturation à ses méthodes, la connaissance des équipes, toutes choses essen[1]tielles elles aussi à la réussite de la mission.» Même légèrement en baisse, l’âge moyen des managers de transition affiche cinquante-quatre ans au compteur dans le dernier baromètre France Tran[1]sition évoqué plus haut. « Ce métier exige de la maturité et de la sérénité, affirme Gilles Marque avant de brosser avec humour – mais réalisme ? – le portrait-robot du « cinquantenaire ».
Les enfants ont quitté le foyer, on a divorcé, on s’est fait virer de sa boîte, on s’est remis en cause puis on a fini par faire la paix avec soi-même. Donc on parle avec sincérité, on est plus disponible pour s’ouvrir aux autres et encore doté d’une belle énergie !» Notre homme se souvient de sa première mission de «retournement»: «J’ai proposé de baisser les salaires, de modifier l’organisation et « qui m’aime me suive !» La formule a marché !» Valérie Augustin approuve et tempère : «Les missions de retournement requièrent leadership mais aussi sang-froid et méthode !» Ce joli mot issu du grec «meta odos»; littéralement, le chemin qui mène au loin.
Tout un programme ! «Le courant doit passer entre le manager de transition et le donneur d’ordre », ajoute Pierre Crochet. «Dans mon domaine, commercial, l’exemplarité est un facteur d’entraînement des équipes, souligne Éric Lecoquierre. La plupart du temps, lors de mes missions, je suis sur le terrain et je veille à signer moi-même un certain nombre de contrats de vente.»
Un métier à part entière, promis à un bel avenir
Ce côté «fusionnel», avec les équipes et/ou le dirigeant conduit-il certains managers de transition à vouloir «prolonger le bail» ? Éric avoue avoir été tenté, une fois, de basculer vers un poste fixe. «Mais je souhaitais m’associer, pas être seulement salarié. Pour finir le projet ne s’est pas concrétisé.» La plupart de ceux qui tentent l’aventure du management de transition y prennent goût. Et enchaînent les missions. Valérie relève que ce statut d’indépendant « correspond au souhait de plus de flexibilité des entreprises, mais aussi des candidats.»
Si son vivier de managers est majoritairement constitué de spécialistes, «il arrive parfois que nous ayons recours à des managers de transition occasionnels. Une telle expérience ne dépare pas dans un CV, bien au contraire !» Gilles met l’accent sur les « qualités de savoir-être dont il faut faire preuve pour mener à bien un projet» et évoque «l’intensité de chaque mission. On est en immersion, on doit penser vite, agir vite, c’est très excitant!» Une analyse partagée par tous. «D’autant que la durée des missions se raccourcit, conclut Pierre Crochet.
Aujourd’hui, vous avez trente jours pour gagner la confiance du donneur d’ordre comme emporter l’adhésion de votre équipe et vous devez obtenir des résultats en six à neuf mois!» Manager de transition est un métier dans «l’ère » autant que dans l’air du temps! Le baromètre annuel de France Transition indique que 3 missions sur 10, dans le périmètre de ses membres, sont assurées par des primo-accédants. L’avenir du management de transition s’annonce ensoleillé. (Découvrez ce qu’est un bon manager de transition chez Actiss Africa)